COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 80A
6e chambre
ARRET
N°
CONTRADICTOIRE
DU 13 AVRIL 2023
N° RG 20/02496 -
N° Portalis DBV3-V-B7E-UEM7
AFFAIRE :
[L] [K]
C/
S.A.S. SODEXO SANTE MEDICO SOCIAL
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 14 Octobre 2020 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOULOGNE-BILLANCOURT
N° Section : C
N° RG : 18/00001
Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :
Me
Elise BENISTI
Me
Nicolas SERRE
le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE TREIZE AVRIL DEUX MILLE VINGT TROIS,
La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant, la décision devant être rendue le 23 mars 2023 et prorogé au 06 avril 2023 puis au 13 avril 2023, les parties en ayant été avisées, dans l'affaire entre :
Madame [L] [K]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représentant : Me
Elise BENISTI de la SELEURL SELARL BENISTI, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C2553
APPELANTE
****************
S.A.S. SODEXO SANTE MEDICO SOCIAL
[Adresse 3]
[Adresse 3]
Représentant : Me
Nicolas SERRE de la SELARL OX, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : A0966
INTIMEE
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article
805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 27 janvier 2023 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Isabelle CHABAL, Conseiller chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Catherine BOLTEAU-SERRE, Président,
Madame Valérie DE LARMINAT, Conseiller,
Madame Isabelle CHABAL, Conseiller,
Greffier en pré-affectation lors des débats : Domitille GOSSELIN,
La société Sodexo Santé Médico Social (ci-après Sodexo SMS), dont le siège social est situé [Adresse 3], dans le département des Yvelines, est spécialisée dans la fourniture de services généraux (restauration, nettoyage, maintenance, accompagnement) aux établissements de personnes handicapées et personnes âgées. Elle emploie plus de 10 salariés.
La convention collective applicable est celle du personnel des entreprises de restauration de collectivités du 20 juin 1983.
Mme [L] [K], née le 2 avril 1976, a été engagée par contrat à durée indéterminée par la société Sodexho Santé, aux droits de laquelle vient la société Sodexo SMS, à compter du 24 mai 2007 en qualité de diététicienne, affectée à l'hôpital de [4] à [Localité 5].
A compter du 1er octobre 2012, Mme [K] est devenue responsable nutrition.
Par avenant à son contrat de travail du 27 novembre 2015, Mme [K] a été temporairement mutée à la direction marketing et innovation du segment santé médico-social, basée à [Localité 5], pour la période allant du 1er décembre 2015 au 30 novembre 2016, afin d'exercer les fonctions de responsable nutrition.
Le 1er juillet 2016, Mme [K] s'est plainte de maux de tête à l'issue d'une réunion à 12 heures 30.
Le 2 juillet 2016, un examen clinique a révélé que Mme [K] a été victime d'un accident vasculaire cérébral.
Mme [K] a été placée en arrêt de maladie jusqu'au 23 janvier 2017, date à laquelle elle a pris des fonctions d'assistante régionale dans le cadre d'un mi-temps thérapeutique, qui ont été prolongées par avenants au contrat de travail des 24 mars et 24 juin 2017.
Le 18 septembre 2017, le médecin du travail a déclaré Mme [K] 'inapte à la reprise au poste de responsable nutrition. Tout maintien de la salariée dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé.'
Par courrier en date du 27 septembre 2017, la société Sodexo SMS a convoqué Mme [K] à un entretien préalable qui s'est déroulé le 11 octobre 2017.
Par courrier en date du 17 octobre 2017, la société Sodexo SMS a notifié à Mme [K] son licenciement pour inaptitude dans les termes suivants :
" Dans le cadre de l'exercice de votre mission au sein de la direction régionale Bourgogne Rhône Alpes Auvergne, [Adresse 1], (Statut A. M. Art-36, ancienneté contractuelle fixée au 24 mai 2007), vous avez rencontré le médecin du travail en date du 7 septembre 2017. Celui-ci a déclaré : 'Vue ce jour, ne peut occuper son poste de travail actuellement, à revoir lors de la reprise du travail, une inaptitude est envisagée. Etude de poste, entretien avec l'employeur à prévoir.'
Vous avez rencontré de nouveau le médecin du travail lors d'une visite médicale de reprise du 18 septembre 2017. En date du 18 septembre 2017, vous avez été déclarée inapte selon les termes suivants : « inapte à la reprise au poste de responsable nutrition. Tout maintien dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé. Etude de poste et entretien avec l'employeur réalisés le 11 septembre 2017 fiche d'entreprise réalisée le 4 décembre 2014".
Par courriel reçu le 3 octobre 2017, le médecin du travail nous confirmait ce qui avait été énoncé le 18 septembre 2017 lors de votre visite de reprise après arrêt maladie, à savoir « tout maintien de la salariée dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ".
Aussi et conformément aux articles
L. 1226-12 et
R. 4624-42 du code du travail, nous tenions à vous indiquer que vos restrictions médicales ne nous permettent pas de vous faire des propositions de reclassement.
En conséquence, nous avons été amenés à vous convoquer par courrier recommandé du 27 septembre 2017, à un entretien préalable à l'éventuelle rupture de votre contrat pour impossibilité de reclassement suite à votre inaptitude physique, fixé en date du 11 octobre 2017 sur la direction régionale Bourgogne Rhône Alpes Auvergne, [Adresse 1].
Le 11 octobre 2017, vous vous êtes présentée à cet entretien auquel vous étiez assistée par M. [C] [G], représentant du personnel. Au cours de cet entretien, nous vous avons confirmé notre impossibilité de vous reclasser au vu des préconisations émises par le médecin du travail lors de la visite médicale du 18 septembre 2017.
Nous sommes dans ces conditions contraints de prononcer votre licenciement pour inaptitude physique confirmée par le médecin du travail lors de votre visite du 18 septembre 2017, votre licenciement prenant effet à la date d'envoi du présent courrier. "
Par requête reçue au greffe le 26 décembre 2017, Mme [K] a saisi le conseil de prud'hommes de Boulogne-Billancourt aux fins de contester son licenciement en formant les demandes suivantes :
- dire que le licenciement est nul ou à titre subsidiaire que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse,
- dire que l'inaptitude est professionnelle,
- condamner la société Sodexo Santé Médico Social à lui verser les sommes suivantes :
° 60 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul,
° 31 508.75 euros à titre d'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse,
° 9 452,61 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
° 945,26 euros à titre de congés payés afférents à l'indemnité compensatrice de préavis,
° 6 930 euros à titre de complément de l'indemnité de licenciement,
° 100 000 euros à titre de dommages et intérêts pour atteinte à la santé et du préjudice moral,
° 6 708,34 euros au titre des heures supplémentaires,
° 670,83 euros à titre de congés payés afférents aux heures supplémentaires,
° 1 954,53 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect du repos compensateur,
° 3 600 euros au titre de l'article
700 du code de procédure civile,
- condamner la société Sodexo Santé Médico Social à lui verser la somme de 3 600 euros au titre de l'article
700 du code de procédure civile,
- condamner la société Sodexo Santé Médico Social aux entiers dépens,
- condamner la société Sodexo Santé Médico Social à la capitalisation des intérêts,
- dire que la décision sera assortie de l'exécution provisoire.
La société Sodexo Santé Médico Social sollicitait du conseil de prud'hommes de :
- la recevoir en son intervention volontaire,
Sur la demande d'indemnisation du préjudice moral et de santé,
- à titre principal se déclarer incompétent au profit du tribunal judiciaire de Versailles pour connaître d'une faute inexcusable de l'employeur et attribuer une indemnité à Mme [K] en réparation,
- à titre subsidiaire, débouter Mme [K] de ses demandes,
Sur la demande au titre du harcèlement moral,
- à titre principal, débouter Mme [K] de ses demandes,
- à titre subsidiaire, ordonner avant dire droit à Mme [K] de produire une copie de l'intégralité de l'enregistrement de la réunion du 4 septembre 2017 certifiée conforme à l'original par huissier et une retranscription par huissier de cet enregistrement,
- débouter Mme [K] de l'ensemble de ses autres demandes, ou à titre subsidiaire, limiter les condamnations,
- condamner Mme [K] à verser la somme de 4 800 euros au titre de l'article
700 du code de procédure civile,
- condamner Mme [K] aux dépens.
Par jugement contradictoire rendu le 14 octobre 2020, le conseil de prud'hommes de Boulogne-Billancourt, section commerce, a :
- dit que le licenciement pour inaptitude de Mme [K] est justifié,
- débouté Mme [K] de l'ensemble de ses demandes,
- débouté la société Sodexo Santé Médico Social prise en la personne de son représentant légal, de ses demandes reconventionnelles.
Mme [K] a interjeté appel de cette décision par déclaration du 6 novembre 2020.
Par conclusions n°3 notifiées par voie électronique le 26 août 2022, Mme [L] [K] demande à la cour de :
- infirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Boulogne-Billancourt,
Statuant de nouveau :
Sur le licenciement
- juger à titre principal que le licenciement est nul et condamner par conséquent la société défenderesse à lui verser la somme de 60 000 euros,
- juger à titre subsidiaire que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse et condamner par conséquent la société défenderesse à lui verser la somme de 30 362,40 euros,
- condamner la société à lui verser l'indemnité compensatrice de préavis de 9 452,61 euros et les congés payés afférents, soit 945,26 euros,
Sur l'atteinte à la santé
- juger à titre principal que Mme [K] a été victime de harcèlement moral,
- juger à titre subsidiaire que la société n'a pas respecté son obligation de sécurité,
- condamner la société Sodexo Santé Médico Social à lui verser la somme de 50 000 euros au titre de l'atteinte à la santé et du préjudice moral subi,
Sur les heures supplémentaires réalisées
- condamner la société Sodexo Santé Médico Social à lui verser la somme de 6 708,34 euros au titre des heures supplémentaires, 670,83 euros au titre des congés payés afférents, 1 954,53 euros à titre des dommages et intérêts pour repos compensateur,
Pour finir,
- débouter la société Sodexo Santé Médico Social de l'ensemble de ses demandes,
- condamner la société Sodexo Santé Médico Social à lui verser la somme de 4 800 euros au titre de l'article
700 du code de procédure civile,
- condamner la société Sodexo Santé Médico Social aux entiers dépens,
- condamner la société Sodexo Santé Médico Social au paiement de la capitalisation des intérêts.
Par conclusions notifiées par voie électronique le 14 avril 2021, la société Sodexo santé Médico Social demande à la cour de :
- confirmer en son intégralité le jugement rendu en première instance par le conseil de prud'hommes de Boulogne-Billancourt,
- débouter Mme [K] de l'ensemble de ses demandes,
- condamner Mme [K] à la somme de 4 800 euros au titre de l'article
700 du code de procédure civile,
- condamner Mme [K] aux dépens dont distraction au profit de la SELARL OX.
Par ordonnance rendue le 18 janvier 2023, le magistrat de la mise en état a ordonné la clôture de l'instruction et a fixé la date des plaidoiries au 27 janvier 2023.
En application de l'article
455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties pour plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.
MOTIFS
DE L'ARRET
Mme [K] expose que dans le cadre de ses nouvelles fonctions exercées à compter du 1er décembre 2015, elle devait se déplacer régulièrement dans différents établissements de la société sur l'ensemble du territoire national afin de mettre en place une nouvelle offre alimentaire pour les personnes âgées, dans le cadre d'un projet de recherche ; qu'elle réalisait de manière fréquente des temps de trajet conséquents, que l'amplitude horaire de ses journées était très importante, qu'elle a réalisé des heures supplémentaires et était épuisée ; que c'est dans ce contexte que le 1er juillet 2016 elle a fait un malaise lors d'une réunion se tenant dans les locaux de Sodexo Santé Médico Social en région parisienne, qui s'est révélé être un accident vasculaire cérébral (AVC) lequel, non traité à temps, lui a laissé des séquelles. Elle soutient que l'employeur a tout fait pour échapper à sa responsabilité en refusant de procéder à la déclaration d'accident du travail et en ne répondant pas aux différentes instances ; qu'elle a saisi le tribunal judiciaire de Lyon aux fins de reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur et que par décision du 4 février 2020, il a été jugé que son AVC doit être pris en charge au titre de la législation professionnelle.
Elle fait valoir qu'elle a repris son poste en mi-temps thérapeutique et que l'employeur n'a procédé que tardivement à l'aménagement de son poste ; qu'elle a commencé à entrevoir qu'elle ne pourrait pas récupérer les fonctions qui ont été endommagées par son accident et que la négation de son préjudice par son employeur ajoutée à sa mise au placard l'a conduite aux portes du suicide ; qu'elle a été soumise à des pressions lors de l'entretien avec sa direction du 4 septembre 2017 aux fins qu'elle accepte une rupture conventionnelle de son contrat de travail ; que le médecin l'a déclarée inapte à toute reprise du travail au sein de la société pour la protéger.
Elle réclame le paiement d'heures supplémentaires. Elle fait valoir que durant l'exécution du contrat de travail elle a subi un harcèlement moral qui rend nul son licenciement et que son employeur a à tout le moins manqué à son obligation de sécurité. Elle soutient à titre subsidiaire que son licenciement n'est pas fondé sur une cause réelle et sérieuse.
La société Sodexo SMS réplique que le 1er juillet 2016 Mme [K] s'est plainte d'une forte migraine, a accepté un médicament contre les maux de tête et a exprimé le souhait de rentrer à son domicile à [Localité 5] ; qu'elle a adressé une déclaration d'accident du travail à la première demande de la salariée, en émettant des réserves sur le caractère professionnel des lésions ; qu'elle a reclassé temporairement la salariée sur un poste d'assistante régionale à mi-temps thérapeutique et que la CPAM a refusé de reconnaître un caractère professionnel aux faits du 1er juillet 2016 puis que Mme [K] a rendu la société responsable de son mal-être.
Elle estime que la société n'est pas à l'origine de l'AVC de Mme [K] car sa responsabilité a été exclue par les médecins, compte tenu des multiples facteurs de risques. Elle souligne qu'elle n'a pas été appelée dans la cause lorsque Mme [K] a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale et que la décision rendue le 4 février 2020, contre les avis médicaux et sur les seules déclarations de Mme [K], ne lui est pas opposable.
Elle dénie l'existence de tout harcèlement moral ou d'un manquement à une obligation de sécurité, soutient que le licenciement est parfaitement justifié et ne repose pas sur une quelconque faute de l'entreprise.
Sur la demande en paiement d'heures supplémentaires
Selon l'article
L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences légales ainsi rappelées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.
Le salarié peut prétendre au paiement des heures supplémentaires accomplies, soit avec l'accord au moins implicite de l'employeur, soit s'il est établi que leur réalisation a été rendue nécessaire par les tâches qui ont été confiées au salarié.
Au soutien de sa demande de rappel de salaire, Mme [K] expose qu'elle intervenait sur neuf sites en France où elle devait passer tous les trimestres pour opérer des relevés et qu'au surplus elle devait effectuer de nombreux autres déplacements dans la France entière pour présenter la nouvelle offre alimentaire et participer à des réunions de travail, ce qui a augmenté l'amplitude horaire de ses journées. Elle cite des déplacements s'étant déroulés du 30 novembre 2015 au 15 janvier 2016, en mars, avril et juin 2016, entre son domicile et différents sites ou parfois entre deux sites, en faisant valoir que son employeur avait connaissance de sa charge de travail et de son amplitude horaire. Elle produit son calendrier du 2 novembre 2015 au 1er juillet 2016, ses plannings et notes de frais et un tableau de synthèse de ses heures supplémentaires (pièces 21, 21-1 et 30).
La salariée fournit ainsi des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'elle prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments.
La société Sodexo SMS réplique que Mme [K] n'a jamais déclaré la moindre heure supplémentaire ni demandé le paiement de telles heures. Elle fait valoir que les temps de trajet ne constituent pas du temps de travail effectif et qu'ils n'ont pas à être pris en compte pour apprécier le nombre d'heures supplémentaires ; que Mme [K] a bénéficié de repos compensatoires et que son temps de travail a été inférieur à son engagement contractuel ; qu'elle n'a fait que 16 heures supplémentaires sur la période considérée, qui ont été compensées par des RTT pris à compter de janvier 2017, la salariée étant en arrêt maladie durant la fin de l'année 2016.
Elle ajoute que Mme [K], du fait de son statut assimilé cadre, décidait seule de l'organisation de son temps de travail et ne démontre pas avoir sollicité son employeur ou l'avoir informé de la nécessité de réaliser des heures supplémentaires dans le cadre de la mission qui lui était confiée, et qu'elle aurait pu organiser son temps de travail pour éviter toute heure supplémentaire.
Il ressort d'une part de l'avenant au contrat de travail que dans le cadre de son détachement d'un an à compter du 1er décembre 2015 dans l'équipe marketing pour un projet de recherche, Mme [K], qui habitait [Localité 6], était basée dans les locaux de la direction régionale à [Localité 5], et d'autre part de l'échange de courriel du mois d'octobre 2015 produit en pièce 29 par l'appelante, que la salariée avait été avisée que ce poste allait nécessiter de nombreux déplacements.
L'article
L. 3121-4 du code du travail dispose que "Le temps de déplacement professionnel pour se rendre sur le lieu d'exécution du contrat de travail n'est pas un temps de travail effectif.
Toutefois, s'il dépasse le temps normal de trajet entre le domicile et le lieu habituel de travail, il fait l'objet d'une contrepartie soit sous la forme de repos, soit sous forme financière.
La part de ce temps de déplacement professionnel coïncidant avec l'horaire de travail n'entraîne aucune perte de salaire."
N'étant pas un temps de travail effectif, le temps de déplacement entre le domicile et le lieu de travail ne peut pas être pris en compte pour le calcul des durées quotidienne et hebdomadaire maximales de travail, si le salarié ne se tient pas à la disposition de son employeur et peut vaquer à ses occupations personnelles durant le temps de trajet.
Si le temps de déplacement dépasse le temps normal de trajet entre le domicile et le lieu habituel de travail, il doit néanmoins faire l'objet d'une contrepartie, sous la forme d'un repos ou sous une forme financière.
En l'espèce, Mme [K] produit en pièce 30 deux tableaux dont le premier, qui recense l'amplitude horaire de chacune de ses journées, ne coïncide pas avec le calendrier qu'elle produit en pièce 21-1. Ainsi par exemple dans son tableau elle indique qu'elle a travaillé le 9 novembre de 7 h 30 à 13 h alors que son planning montre qu'elle a travaillé de 7 h à 13 h puis de 14 h à 17 h ; pour le mardi 10 novembre, elle indique avoir travaillé de 8 h à 13 h alors que son planning montre qu'elle a travaillé de 13 à 14 h. Au surplus, Mme [K] assimile ses temps de déplacement à du temps de travail et les prend en compte pour calculer ses durées quotidienne et hebdomadaire de travail et aboutir à plus de 300 heures supplémentaires.
Le tableau établi par la société Sodexo SMS en pièce 19 reprend quant à lui les données du planning et le temps de travail effectif de Mme [K]. Il aboutit à 16 heures supplémentaires et mentionne en outre des jours de repos et de compensation, dont l'existence n'est pas contredite par la salariée, qui constituent la contrepartie des temps de déplacement excédant le temps normal de trajet entre le domicile et le lieu habituel de travail.
S'agissant des 16 heures supplémentaires à prendre en compte sur la période, Mme [K], qui pouvait organiser son temps de travail, ne démontre ni qu'elles ont été réalisées avec l'accord au moins implicite de son employeur, ni que leur réalisation a été rendue nécessaire par les tâches qui lui ont été confiées.
Mme [K] sera en conséquence déboutée de ses demandes en paiement d'heures supplémentaires, de congés payés afférents et de repos compensateur, par confirmation de la décision entreprise.
Sur le harcèlement moral
En application des dispositions de l'article
L. 1152-1 du code du travail, « aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. »
L'article
L. 1152-3 du code du travail dispose que 'toute rupture du contrat de travail intervenue en méconnaissance des dispositions des articles
L. 1152-1 et L. 1152-2, toute disposition ou tout acte contraire est nul.'
Aux termes de l'article L. 1154-1 du même code dans sa rédaction applicable à l'espèce, « Lorsque survient un litige relatif à l'application des articles
L. 1152-1 à L. 1152-3 [...], le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. »
Pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, il y a lieu d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral au sens de l'article
L. 1152-1 du code du travail. Dans l'affirmative, il y a lieu d'apprécier si l'employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
En l'espèce, Mme [K] expose que les faits qui ont conduit à l'accident du travail et à l'absence d'intervention de la société à ce moment là font l'objet d'une procédure pour faute inexcusable devant le tribunal judiciaire de Lyon et qu'elle n'évoque que des faits postérieurs à l'accident du travail.
Elle invoque les faits suivants :
- les refus répétés de procéder à la déclaration d'accident du travail et l'obstination de la société Sodexo SMS à nier sa responsabilité dans l'accident du travail.
Mme [K] expose que la société Sodexo n'a déclaré l'accident du travail survenu le 1er juillet 2016 qu'en octobre, après ses demandes répétées, ce qui a étonné les délégués du personnel.
L'accident du travail survenu le 1er juillet 2016 n'a en effet été déclaré que le 5 octobre 2016 par la société Sodexo SMS (pièce 5 de l'appelante). Mme [K] ne justifie cependant pas qu'elle a sollicité l'employeur pour procéder à cette déclaration de manière répétée depuis le 1er juillet 2016.
Mme [K] ajoute que la société a émis de nombreuses réserves lorsqu'elle a déclaré l'accident, alors qu'elle n'a pas de compétence médicale pour le faire et qu'il est faux d'affirmer qu'elle suivait un traitement régulier, cette affirmation ne constituant qu'une tentative de l'employeur pour éluder sa responsabilité.
La société Sodexo a en effet émis "les plus expresses réserves sur l'imputabilité des lésions au travail" dans un courrier qu'elle a adressé à la CPAM du Rhône le 11 octobre 2016 (pièce 7 de l'appelante), estimant que "ce malaise est nécessairement lié à un état pathologique de Mme [L] [K]. En effet, nous tenons à porter à votre connaissance que notre salariée souffre régulièrement de migraines, comme elle nous l'avait précisé et prend un traitement, qu'elle avait oublié le jour de l'accident." Les délégués du personnel se sont interrogés sur cette contestation alors que l'accident a eu lieu sur le lieu de travail (pièce 6 de l'appelante).
Mme [K] souligne que la société a fait preuve d'une grande constance dans la négation de son implication et de sa responsabilité dans l'AVC qu'elle a subi, critiquant les termes de la lettre qui lui a été adressée par la société le 6 septembre 2017, de la fiche de déclaration d'accident du travail et du complément d'informations accident du travail de l'employeur, qui ne relatent pas qu'elle a été victime de vomissements et qu'elle a dû s'allonger au sol.
Les développements de Mme [K] qui consistent à démontrer que la société n'a pas respecté les procédures en présence de symptômes alarmants sont hors débat dès lors qu'ils se rapportent à la responsabilité de l'entreprise au moment des faits du 1er juillet 2016, qui fait l'objet d'une autre instance comme elle le souligne elle-même pour écarter la discussion de la société Sodexo SMS à cet égard.
Dans son courrier du 6 septembre 2017 (pièce 8 de l'appelante), la société Sodexo SMS rappelle à Mme [K] ce qui a été mis en place depuis l'AVC de juillet 2016 en termes d'aménagement du poste et du temps de travail et la rencontre qui a été organisée suite au courrier revendicatif de l'avocat de Mme [K] et au souhait de cette dernière de quitter l'entreprise. La société Sodexo évoque le déroulement des faits du 1er juillet 2016 selon elle et le fait que la CPAM n'a pas retenu une cause professionnelle au malaise. Elle considère que l'entreprise n'est pas responsable des difficultés rencontrées par Mme [K].
Si ce courrier n'évoque pas les vomissements de Mme [K], la volonté de l'employeur de dissimuler l'état de la salariée n'est pas établie puisque la déclaration complémentaire d'accident du travail du 29 décembre 2016 précise que Mme [K] s'est rendue aux toilettes, ce qu'a rapporté Mme [N] (pièces 9 et 19 de l'appelante).
Mme [K] fait encore valoir que la société n'a diligenté aucune enquête ni alerté le CHSCT de l'existence de cet accident. Il ressort du procès-verbal du CHSCT ordinaire du 6 décembre 2016 que la déclaration d'accident du travail du 5 octobre 2016 n'avait pas alors été communiquée aux membres du CHSCT (pièce 12 de l'appelante). Les délégués du personnel se sont interrogés sur l'absence d'enquête SST (pièce 6 de l'appelante).
- le fait que la société Sodexo SMS s'est évertuée à lui dire qu'elle ne devait son préjudice qu'à elle-même.
Mme [K] fait valoir que son employeur n'a cessé de lui répéter qu'elle était la seule responsable des conséquences de son accident en lui assénant qu'elle aurait pu appeler elle-même les secours et considère que le fait de culpabiliser la victime est un grand classique dans les faits de harcèlement.
Elle ne produit cependant aucune pièce pour démontrer la matérialité de ce fait, qui ne sera donc pas retenu.
- une mise au placard.
Mme [K] fait valoir qu'à son retour après son accident du travail, la société Sodexo SMS, qui ne désirait pas selon toute vraisemblance qu'elle retourne au travail, l'a rétrogradée en lui confiant des fonctions d'assistante alors qu'elle occupait auparavant le poste de responsable nutrition ; que son rôle se limitait à faire des photocopies, de sorte qu'elle était mise au placard en raison de son état de santé ; que l'employeur a agi ainsi pour la pousser à quitter son travail.
Il ressort des pièces produites et notamment des avenants au contrat de travail de Mme [K] qu'à son retour d'arrêt de maladie le 23 janvier 2017, Mme [K] s'est vu attribuer un poste d'assistante des responsables régionaux, chargée de la correction des menus pour les sites SSR du client, avec des déplacements en co-voiturage ou en train sur les sites du périmètre pour sensibiliser, vérifier, corriger les écarts constatés sur les audits hygiène.
Il est ainsi établi qu'elle n'a pas repris le poste de responsable nutrition qu'elle occupait avant son arrêt de travail.
- des pressions pour l'inciter à lui faire quitter l'entreprise.
Mme [K] expose que la société Sodexo a exercé de nombreuses pressions tant orales qu'écrites dans la perspective de la faire craquer mentalement et de lui faire quitter l'entreprise ; que les pressions ont cru lorsque la société a appris qu'elle était suivie par un conseil.
Aucune pièce n'est produite pour justifier de pressions exercées avant la lettre envoyée par la société le 6 septembre 2017 qui est invoquée (pièce 8 de l'appelante). Mme [K] ne rapporte par aucune pièce objective le contenu de l'entretien qui a eu lieu le 4 septembre 2017, la pièce 13 qu'elle vise étant l'entretien préalable au licenciement qui s'est tenu le 11 octobre 2017.
Dans un courrier du 26 septembre 2017, le conseil de Mme [K] a écrit que lors de l'entretien du 4 septembre 2017, alors que Mme [K] reconnaissait ses difficultés actuelles à travailler au sein de la société Sodexo, la société n'a eu de cesse de lui expliquer qu'elle ne pouvait travailler avec une salariée qui serait en procédure judiciaire et de la pousser à accepter une rupture conventionnelle au lieu d'un licenciement pour inaptitude. Le conseil ne rapporte cependant que les dires de sa cliente. Mme [K] a affirmé lors de l'entretien du 11 octobre 2017 que Mme [P] lui a dit le 4 septembre 2017 "si vous restez chez Sodexo, vous risquez de faire un 2ème AVC".
Dans sa lettre du 6 septembre 2017, la société Sodexo SMS évoque un échange informel ayant eu lieu quelques semaines auparavant avec son manager, où Mme [K] avait indiqué avoir un avocat et vouloir quitter l'entreprise, ce qui a motivé une rencontre pour comprendre la position de la salariée et trouver une issue. Mme [K] aurait déclaré lors de cet entretien, a priori celui du 4 septembre 2017, qu'elle ne voulait pas "continuer à travailler pour mon bourreau". La société lui a proposé dans son courrier de l'accompagner le cas échéant via une formation, une rupture conventionnelle, un out placement.
Aucune pression pour que Mme [K] quitte l'entreprise ne ressort de l'entretien préalable au licenciement qui s'est déroulé le 11 octobre 2017 (pièce 13 de l'appelante).
Le fait n'est donc pas établi.
Mme [K] fait valoir que les souffrances qu'elle a subies sont étayées par des attestations médicales, un suivi psychologique et des prescriptions médicamenteuses.
Elle produit à cet égard :
- un rapport de consultation neuro-ophtalmologique du 22 février 2017 qui relate que l'AVC a entraîné une hémianopsie latérale homonyme (HLH) droite séquellaire qui réduit son champ visuel (pièce 17),
- le résultat d'une évaluation hospitalière post-AVC complémentaire réalisée le 23 mars 2017, qui relate les séquelles persistantes de l'AVC (troubles visuels, fatigabilité, mémoire moins efficiente). S'agissant du plan professionnel, il est indiqué : "Concernant sa reprise professionnelle, le mi-temps thérapeutique est effectif depuis janvier, avec une modification de son poste plutôt vécue de façon douloureuse. Elle dispose d'une RQTH. Le champ visuel réalisé en janvier dernier montrait une HLH droite avec épargne maculaire, avec une contre-indication initiale à la conduite automobile." (pièce 16),
- un courrier du médecin du travail adressé au médecin psychiatre des urgences le 16 mai 2017 en raison de l'état anxio-dépressif présenté par Mme [K], avec pleurs quotidiens, idées suicidaires récurrentes, dans un contexte très difficile avec l'employeur qui n'a pas reconnu l'accident de travail (pièce 15),
- un courrier adressé le 7 septembre 2017 par le médecin du travail au médecin traitant de Mme [K], en vue de la prescription d'un arrêt de travail, faisant état de la réapparition de symptômes lors de la reprise du travail après les congés d'été (troubles du transit, contracture de la mâchoire, troubles du sommeil importants), du fait qu'il est inenvisageable que Mme [K] retourne dans l'entreprise et qu'il envisage une inaptitude afin de la protéger (pièce 14).
Mme [K] dénonce le fait que l'entreprise a refusé la mise en place d'un accompagnement psychologique en raison du fait qu'elle a déposé plainte auprès du procureur de la République, ce qui n'est pas exact. Le refus d'une aide psychologique pour ce motif, opposé par Mme [E] lors d'un entretien du 13 avril 2017, a été rapporté par M. [X], délégué du personnel, ainsi qu'il ressort du compte rendu de l'entretien préalable du 11 octobre 2017.
Sont ainsi matériellement établis des faits qui, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral.
Pour prouver que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement, la société Sodexo SMS, en contestant que Mme [K] a eu une surcharge de travail avant son AVC et en justifiant son attitude lors des faits du 1er juillet 2016, ce qui se rapporte au débat sur sa responsabilité dans la survenue de l'accident du travail, expose et produit les éléments suivants :
- sur les refus répétés de procéder à la déclaration d'accident du travail et son obstination à nier sa responsabilité dans l'accident du travail :
La société Sodexo SMS indique qu'il n'y avait pas lieu de déclarer un accident du travail compte tenu du fait que Mme [K] ayant précisé qu'elle souffrait régulièrement de migraines, son mal de tête ne pouvait être considéré comme un fait accidentel en soi ou être attribué à un contexte professionnel ; que l'AVC n'a été diagnostiqué que le lendemain et que la CPAM a conclu à l'absence d'accident du travail. Elle fait valoir que Mme [K] n'a pas déclaré elle-même l'accident à la CPAM et que les réserves émises étaient une possibilité offerte à l'entreprise et contraignaient la CPAM à investiguer sur les circonstances de l'accident.
Il ressort des faits relatés par les parties que le 1er juillet 2016, Mme [K] a invoqué un fort mal de tête à la fin d'une réunion et indiqué qu'elle était sujette aux migraines ; qu'elle a accepté un médicament proposé par un collègue mais que, ne se sentant pas bien, elle a demandé à rentrer chez elle. Elle n'a pas présenté de perte de connaissance ou d'autres symptômes constatés par les personnes présentes qui témoignent.
Ces circonstances n'invoquaient pas en première intention un accident du travail, lequel n'a été retenu par la CPAM ni le 23 janvier 2017 ni le 21 juin 2017 (pièces 33 et 35 de l'intimée).
L'article
L. 441-2 du code de la sécurité sociale prévoit que l'employeur doit déclarer tout accident dont il a eu connaissance à la CPAM et que la déclaration peut également être faite par la victime.
Mme [K], qui ne justifie pas avoir réclamé vainement à son employeur de faire la déclaration d'accident du travail, n'y a pas elle-même procédé en application de ce texte.
Par ailleurs, il ne peut être utilement reproché à la société Sodexo SMS d'avoir formulé des réserves sur l'accident du travail, puisque l'article
R. 441-11 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction en vigueur au moment des faits, prévoyait que "I - La déclaration d'accident du travail peut être assortie de réserves motivées de la part de l'employeur."
La société Sodexo SMS ne considérant pas que les faits du 1er juillet 2016 constituaient un accident du travail, elle n'avait pas à consulter le CHSCT.
- sur la mise au placard :
La société Sodexo SMS expose qu'au retour d'arrêt de maladie, les parties étaient conscientes que Mme [K] ne pourrait pas initialement reprendre son poste antérieur et ont convenu ensemble de lui confier un poste d'assistante régionale, l'accord de la salariée étant matérialisé par la signature de trois avenants au contrat de travail consécutifs. Elle fait valoir qu'elle a ainsi anticipé le retour de Mme [K] afin de lui permettre une réintégration dans les meilleures conditions possibles, qu'elle a cherché à adapter les missions à la compétence de la salariée, a évalué les adaptations de poste envisageables, a commandé le matériel proposé et a inscrit Mme [K] à une formation.
Lors de la visite de reprise du 23 janvier 2017, le médecin du travail a déclaré Mme [K] "apte à la reprise à mi temps thérapeutique. La conduite de véhicule est contre indiquée. A revoir dans un mois pour réévaluation" (pièce 9 de l'intimée). Dans ces conditions, Mme [K] ne pouvait reprendre son poste antérieur.
Par courrier du 9 février 2017, la société Sodexo SMS a indiqué au médecin du travail avoir recherché un poste en adéquation avec ses préconisations et, après concertation, avoir proposé le 12 janvier 2017 à Mme [K] un poste temporaire d'assistante régionale au sein de la direction régionale basée à [Localité 5], pour lui permettre une reprise d'activité progressive et adaptée, la société recherchant un poste dans son domaine de compétence, sur la qualité et la nutrition (pièce 8 de l'intimée).
Le retour de Mme [K] a fait l'objet d'une annonce le 23 janvier 2017 et Mme [K] a signé les avenants à son contrat de travail pour ce poste les 24 mars 2017 et 24 juin 2017 (jusqu'au 23 septembre 2017).
La société Sodexo SMS a en outre fait procéder le 28 mars 2017 à une évaluation des adaptations nécessaires pour le poste de travail de Mme [K] par le service d'appui technique pour l'accès et le maintien dans l'emploi pour les déficients visuels (SAME DV), au regard du déficit visuel de la salariée, a commandé les matériels préconisés, relancé la commande et inscrit Mme [K] à une formation informatique (pièces 26, 27 et 39 de l'intimée). L'équipement était installé au 31 août 2017 ainsi que l'a indiqué Mme [K] (courriel - pièce 28 de l'intimée).
- s'agissant de la dégradation de l'état de santé de la salariée, la société Sodexo SMS objecte que des documents médicaux ne peuvent, à eux seuls, suffire à présumer l'existence d'un harcèlement moral.
Elle fait valoir que dans sa lettre du 16 mai 2017, le médecin du travail n'a pas établi de lien de causalité entre l'affection constatée et un harcèlement moral subi au travail, ayant autorisé sa patiente à continuer à exercer son activité professionnelle au sein de la société un mois plus tard, ainsi qu'il ressort de l'avis médical du 29 juin 2017 qu'elle produit en pièce 29 qui conclut : "Aménagement de poste préconisé. Temps partiel thérapeutique à 80 %. Travail les lundi, mardi, jeudi et vendredi. Repos le mercredi. La conduite de véhicule est contre indiquée" (pièce 29).
Elle souligne que Mme [K] subissait une dépression depuis plusieurs années et que ses difficultés psychologiques ne sont la conséquence que de son propre ressenti, puisqu'elle persiste à imputer son accident à son employeur et refuse de continuer à travailler pour lui, et qu'elles ne sont pas la conséquence d'un harcèlement moral.
Il ressort du compte-rendu d'hospitalisation du 11 juillet 2016 (pièce 36 de l'appelante) que Mme [K] présentait des antécédents avant son AVC, notamment un syndrôme dépressif, lequel n'apparaît donc pas en lien avec un harcèlement moral.
Si Mme [K] a estimé que son employeur cherchait par tous les moyens à nier sa responsabilité quant à la survenance d'un accident de travail le 1er juillet 2016 et à faire pression sur elle pour qu'elle quitte l'entreprise, ce qu'elle a mal vécu psychologiquement, la société Sodexo SMS justifie cependant que les faits établis par la salariée sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement et qu'elle a cherché à réintégrer la salariée dans des conditions adaptées aux restrictions professionnelles signalées par le médecin du travail.
Mme [K] sera en conséquence déboutée de sa demande tendant à voir reconnaître l'existence d'un harcèlement moral et à se voir allouer une somme de 60 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement nul, par confirmation de la décision entreprise.
Sur le non-respect de l'obligation de sécurité
Aux termes de l'article
L. 4121-1 du code du travail, 'l'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.
Ces mesures comprennent :
1° des actions de prévention des risques professionnels, y compris ceux mentionnés à l'article L. 4161-1,
2° des actions d'information et de formation,
3° la mise en place d'une organisation et de moyens adaptés.
L'employeur veille à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes.'
L'employeur met en oeuvre les mesures prévues par ces dispositions dans le respect des principes généraux de prévention énoncés à l'article
L. 4121-2 du code du travail.
Respecte l'obligation de sécurité, l'employeur qui justifie avoir pris toutes les mesures de prévention prévues par les articles
L. 4121-1 et
L. 4121-2 du code du travail.
Mme [K] fait valoir que le traitement qui lui a été réservé à son retour après son arrêt de travail et le fait de l'avoir exhortée à accepter une rupture conventionnelle ou une démission relève du non-respect par la société Sodexo SMS de son obligation de sécurité, indépendamment de la faute inexcusable qui est invoquée devant le tribunal judiciaire. Elle invoque les mêmes faits que ceux exposés au titre du harcèlement moral.
La société Sodexo SMS soutient n'avoir pas manqué à son obligation de sécurité.
Il ressort des développements relatifs au harcèlement moral que la société Sodexo SMS a pris toutes les mesures pour protéger la santé de Mme [K] à son retour d'arrêt de maladie en janvier 2017 en la positionnant temporairement sur un poste de travail qui répondait aux préconisations du médecin du travail pour assurer une reprise progressive de son emploi et qu'elle n'a pas fait subir de pressions à la salariée pour lui faire quitter son emploi.
Mme [K] sera en conséquence déboutée de sa demande tendant à voir dire que la société Sodexo SMS n'a pas respecté son obligation de sécurité et à se voir allouer une indemnisation de 50 000 euros au titre de l'atteinte à la santé et du préjudice moral subi, par confirmation de la décision entreprise.
Sur le licenciement
L'article
L. 1226-2-1 du code du travail dispose, s'agissant des inaptitudes consécutives à une maladie ou à un accident non professionnel, applicable à la situation de Mme [K] au moment de son licenciement, que "Lorsqu'il est impossible à l'employeur de proposer un autre emploi au salarié, il lui fait connaître par écrit les motifs qui s'opposent à son reclassement.
L'employeur ne peut rompre le contrat de travail que s'il justifie soit de son impossibilité de proposer un emploi dans les conditions prévues à l'article L. 1226-2, soit du refus par le salarié de l'emploi proposé dans ces conditions, soit de la mention expresse dans l'avis du médecin du travail que tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi.
L'obligation de reclassement est réputée satisfaite lorsque l'employeur a proposé un emploi, dans les conditions prévues à l'article L. 1226-2, en prenant en compte l'avis et les indications du médecin du travail.
S'il prononce le licenciement, l'employeur respecte la procédure applicable au licenciement pour motif personnel prévue au chapitre II du titre III du présent livre."
Mme [K] soutient que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse dès lors qu'à la suite de son accident, dont la nature professionnelle a été finalement reconnue, l'employeur a attendu plus de trois mois pour procéder à une déclaration d'accident du travail, a assorti cette déclaration de réserves infondées et a continué à porter atteinte à sa santé à son retour au travail, ce qui constitue une faute ayant causé son inaptitude. Elle souligne qu'à la même époque, deux autres salariés ont été victimes d'AVC traités de la même manière.
La société Sodexo SMS répond que le licenciement est justifié car Mme [K] a été déclarée inapte à tout poste par le médecin du travail.
La société Sodexo SMS n'ayant pas commis de faits de harcèlement moral ou de manquement à son obligation de sécurité après le retour de Mme [K] de congé de maladie en janvier 2017, il ne peut être retenu que l'inaptitude résulte des agissements de l'employeur et que le licenciement est par conséquent sans cause réelle et sérieuse.
Le médecin du travail ayant indiqué le 18 septembre 2017 que Mme [K] est inapte à la reprise de son poste et que tout maintien dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé, l'employeur pouvait, sans rechercher un reclassement de la salariée, procéder à son licenciement pour inaptitude.
Mme [K] sera en conséquence déboutée de sa demande tendant à voir dire que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse et à se voir allouer une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, par confirmation de la décision entreprise.
Sur la demande d'indemnité compensatrice de préavis
Mme [K] soutient que son employeur a commis un manquement à son obligation de sécurité qui est en lien avec son inaptitude, de sorte qu'elle est en droit de percevoir une indemnité compensatrice de préavis. Elle ajoute que si le salarié ne peut en principe prétendre au paiement d'une indemnité pour un préavis qu'il est dans l'impossibilité d'exécuter en raison d'une inaptitude à son emploi, cette indemnité est due au salarié dont le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse notamment en raison du manquement de l'employeur à son obligation de reclassement.
La société Sodexo SMS, en visant des demandes d'indemnité compensatrice de préavis et de doublement de l'indemnité conventionnelle formées par Mme [K], répond qu'il est de jurisprudence constante que lorsque à la date du licenciement, l'employeur n'avait connaissance que de la seule décision de refus de prise en charge de l'accident par la CPAM et qu'il n'est pas démontré qu'il avait connaissance du recours exercé contre cette décision par la salariée, il ne peut lui être reproché de ne pas avoir appliqué les règles spécifiques à l'inaptitude professionnelle.
Mme [K] ne fonde sa demande sur aucun texte, notamment pas l'article
L. 1226-14 du code du travail, ne sollicite pas de doublement de l'indemnité conventionnelle de licenciement et ne revendique une indemnité compensatrice de préavis qu'au motif que l'employeur n'a pas respecté son obligation de sécurité.
Dès lors qu'il n'est pas retenu que la société Sodexo SMS a manqué à son obligation de sécurité, Mme [K] doit être déboutée de sa demande d'indemnité compensatrice du préavis et des congés payés afférents, par confirmation de la décision entreprise.
Sur les demandes accessoires
Compte tenu du sens de la décision, il n'y a pas lieu de statuer sur la demande de capitalisation des intérêts.
Le conseil des prud'hommes n'a pas statué sur les dépens au motif qu'aucun frais n'était présenté.
Les dépens de première instance et d'appel seront mis à la charge de Mme [K], qui a succombé en ses prétentions à chacune de ces instances, dont distraction au profit du conseil de l'intimée en application de l'article
699 du code de procédure civile pour les dépens d'appel.
La décision de première instance sera confirmée en ce qu'elle a débouté les parties de leurs demandes formées au titre de l'article
700 du code de procédure civile.
La demande formée du même chef par Mme [K] en cause d'appel sera rejetée, ainsi que la demande de la société Sodexo SMS au regard de la brève motivation du jugement de première instance qui pouvait motiver le recours et de la situation économique respective des parties.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement, par arrêt mis à disposition au greffe, contradictoire et en dernier ressort,
Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 14 octobre 2020 par le conseil de prud'hommes de Boulogne-Billancourt,
Y ajoutant,
Condamne Mme [L] [K] aux dépens de première instance et d'appel,
Accorde à la Selarl Ox le bénéfice des dispositions de l'article
699 du code de procédure civile pour les dépens d'appel,
Déboute Mme [L] [K] et la société Sodexo Santé Médico Social de leurs demandes formées au titre de l'article
700 du code de procédure civile.
Arrêt prononcé publiquement à la date indiquée par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article
450 du code de procédure civile et signé par Mme Catherine Bolteau-Serre, président, et par Mme Domitille Gosselin, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le greffier, Le président,